Ma poupée, mon beau bébé
Retrouvaille avec ma poupée
Je viens de retrouver ma poupée, vêtue de son unique robe rose, dans un état épouvantable.
Elle est plus que poussiéreuse, elle est sale.
Pourtant elle a toujours ses beaux yeux verts aux grands cils qui se ferment et s’ouvrent, sa belle bouche rouge et tous ses membres bougent facilement, comme dans le temps.
Elle a eu droit à un grand lavage, du bout des orteils au bout de ses cheveux, mais il lui reste une marque noire sur la joue droite, une ecchymose. Comme si elle avait eu un coup de poing. Pauvre bébé.
Elle a passée plus de 25 ans au sous-sol, sous la cage d’escalier, seule, abandonnée dans le noir et le froid, entourée d’objets de toutes sortes. Pourtant, j’ai toujours aimé cette poupée qui a été mon tendre bébé de si nombreuses années.
Carole est le nom que j’avais choisi de lui donner à l’époque et surtout ne me demandez pas pourquoi, j’en sais vraiment rien. Carole est arrivée dans ma vie lorsque j’avais dix ans, presque onze, le soir de Noël 1959. Un Noël mémorable et magique de mon enfance, un Noël qui est gravé dans ma mémoire pour toujours. Donc, Carole est arrivée dans ma vie un soir de Noël et elle est arrivée avec un beau carrosse blanc et 30 autres cadeaux sous l’arbre de Noël. Oui, ce soir là, il y avait 32 cadeaux sous l’arbre de Noël qui m’attendaient et tout le monde sait bien qu’une petite fille de dix ans presque onze, sais compter sans se tromper, les cadeaux sous le sapin, le soir de Noël.
Elle a été ma poupée favorite à qui je confiais tous mes petits secrets enfantins et j’avais un attachement très fort pour Carole jusqu’à un âge ou cela devenait un peu embarrassant de catiner comme disait ma maman…..Malgré cela, j’ai continuer de la dorloter et de lui parler en cachette, même adolescente.
Il me semble que c’est mon grand frère qui m’avait offert cette poupée pour Noël. Dans mes souvenirs d’enfance, c’est toujours lui qui m’offrait mes plus beaux cadeaux. Comme cela remonte très loin dans le temps, je doute qu’il se souvienne de ce détail, car après tout, mon grand frère, si gentil soit il reste un gars et comment voulez vous qu’un gars puisse se souvenir d’une poupée ? Dans ma réalité d’enfant, le père de mon bébé était mon grand frère, mais à bien y penser, il se peut que sa première mère, celle qui l’a sortie de l’orphelinat.. hum ! je veux dire du magasin, celle qui l’a choisi entre les autres, pourrait être ma belle-sœur Rita.
Quoi qu’il en soit, depuis que j’ai retrouvé ma poupée et bien j’ai retombé en enfance.
Après l’avoir lavé, je ne pouvais pas la laisser là, toute seule et nue sur la sécheuse, les bras tendus comme si elle voulait se faire prendre. Elle est maintenant installée sur le lit de la chambre d’amis, dans un beau petit pyjama rose avec des petits bas aux pieds pour qu’elle ne prenne pas froid, car malgré son air de jeunesse, elle a toujours bien 52 ans, ma belle poupée.
Depuis quelques jours je cherche sur Internet, sans succès, un docteur spécialiste pour soigner cette affreuse ecchymose sur sa joue. Où trouver un hôpital de poupée, dans ma région, qui pourrait lui redonner une belle joue rose ? Quand même bizarre, on dirait bien que le système de santé et soins des poupées me fait penser à notre système de santé.
Après l’avoir bien examiné avec mes yeux d’adulte, j’ai trouvé un tatouage dans son dos que mes yeux d’enfants n’avaient jamais remarqué avant. À partir de ce tatouage je sais maintenant que c’est une poupée qui a pris naissance au Canada, de la compagnie Dee An Cee. Cette compagnie a fabriqué des poupées entre 1938 et 1964 et a été vendue à la célèbre compagnie Mattel vers 1962. J’ai fait plusieurs recherches sur Internet mais ce qui se rapproche le plus de ma Carole serait une poupée garçon !!!! Allez donc savoir la différence entre une poupée gars ou une poupée fille des années 50. Je dirais que c’est plutôt subtile et pas aussi visible que je pourrais le souhaiter, mis à part les vêtements d’origines….
J’ai beau regarder les 2 seules photos de nous deux, je la revois toujours vêtue d’une petite camisole blanche et plus je la regarde, plus je la trouve pas trop féminine !!!
Moi qui a toujours cru que c’était une fille, et si ma belle Carole était un garçon ?
Retrouvaille avec ma mère
Je viens de retrouver ma mère qui a toujours les mêmes yeux bruns. Ses cheveux, maintenant parsemés de blancs, sont beaucoup plus courts, un peu désordonnés et même si elle est poussiéreuse je suis plus sale qu’elle.
Quel bonheur pour moi, j’ai eu droit à un grand lavage. Il était temps depuis le temps que j’attends cela, mais elle y va pas de toute douceur, la brosse, le gros savon, un peu d’eau de javel, encore la brosse, un autre savon plus rugueux, ayoye, ayoye, puis la voilà avec un cure-dent entre mes orteils et dans mes oreilles, ben ça va faire là, il me semble que je me suis assez nette.
J’ai beau être sorti du fond de la cave, j’ai quand même passé ma première nuit seule et nue sur le dessus de la sécheuse et ce n’est pas fameux pour une poupée qui pense sa pénitence finie.
Au premier matin, ma maman ne peut résister à me prendre dans ses bras, m’envelopper dans une serviette et me déposer sur un lit moelleux. Je me sens mieux, beaucoup mieux. Un peu plus tard dans la même journée, elle m’habille d’un doux pyjama rose, et une paire de petits bas aux pieds et me remet un petit éléphant gris tout doux pour me tenir compagnie. Je commence à la trouver aussi gentille qu’autrefois.
Puis la revoilà qui examine encore mon ecchymose sur la joue. Je vois bien que cela la dérange. Ah bon, je comprends, elle veut me prendre en photo. Je me laisse faire et clic clic de face, clic clic de côté, clic clic assis, clic clic debout, clic clic couché, oh la la la !
Pendant qu’elle prend des photos, je l’examine à mon tour. Elle a un air soucieux et soudain je comprends que ce n’est pas juste mon ecchymose sur la joue qui la dérange, mais elle se demande si je suis une fille ou un garçon.
Du coup, je m’inquiète aussi puisque j’ai passé ma vie en robe rose, et si j’étais un garçon ?